Anousha, jeune aidante de son mari 

Anousha a 28 ans. Il y a deux ans, on a diagnostiqué un cancer du côlon à son mari, lors d’une opération en urgence d’une occlusion intestinale. Une nouvelle intervention chirurgicale lourde pour retirer la tumeur a précédé plusieurs mois de chimiothérapie puis un traitement très contraignant. Un choc pour ce jeune homme de 33 ans, qui n’avait jamais eu aucun problème de santé et ne connaissait pas d’antécédents familiaux de cancer digestif. Les médecins leur répèteront par la suite, ce cas était rare.

A 26 ans, Anousha est devenue l’aidante de son conjoint. Une plongée d’autant plus profonde dans cette maladie que son mari, irlandais, avait besoin d’un soutien dans la traduction des échanges avec ses médecins français.

Un parcours inattendu et compliqué a débuté, loin du projet de vie idéal que s’imaginait la jeune mariée.

Voici son témoignage, qui révèle comment elle a accepté la maladie de son proche et surmonté les difficultés de son rôle d’aidante. 

Je suis devenue aidante

La maladie est devenue omniprésente dès le jour où elle est entrée dans nos vies. Pendant les deux mois qui ont suivi la première consultation à l’hôpital, j’ai accompagné mon mari chaque semaine à une batterie d’examens médicaux. Nous étions dans l’attente constante de résultats et le temps paraissait infini. Une fois le diagnostic du cancer posé, il a suivi six mois de chimiothérapie. Outre les effets secondaires, dont la fatigue constante, il a subi une colostomie et l’a conservée pendant un an. Il était donc difficile de faire abstraction de la maladie. Elle était toujours physiquement présente entre nous.

Je ne peux pas dire que j’ai trouvé comment ne pas penser au cancer. Ensemble, on a appris à vivre avec. Les premiers temps, j’oubliais cette maladie pendant la nuit. Chaque réveil était très douloureux car tout me revenait d’un coup. Petit à petit, j’ai accepté que la maladie était bien là et qu’essayer de l’ignorer était finalement contre-productif. Il fallait l’accueillir dans notre quotidien, tout en ne la laissant pas nous définir.

J'accepte de vivre au présent

Quand à 26 ans je me suis vue potentiellement veuve, je n’ai plus eu d’autre choix que de profiter de l’instant présent. Pour moi, rien n’importait plus que mon mari et sa santé. Je suis impatiente, j’aime organiser et garder le contrôle. J’essaye d’anticiper au maximum. Avant la maladie j’étais consciente qu’il fallait lâcher prise pour être moins stressée mais je n’y arrivais pas. Le cancer m’a tout balancé à la figure. A partir du moment où il a débarqué, je n’avais plus le choix. Je devais accepter que je ne pouvais pas tout contrôler et, surtout, que je devais vivre dans le présent sans m’angoisser sur le futur. Ça ne s’est pas fait en une nuit ! Pour limiter mon stress, il fallait que je me distancie de mes “to-do lists” interminables et que je suive mon envie du moment.

Si j’ai le choix, je décide sur le moment de ce qui me fait plaisir, et surtout, j’accepte de changer d’avis. Cela paraît très simple et pourtant ça m’a demandé un gros travail sur moi-même.

Je savoure chaque bon moment

Comment et quand passer de bons moments avec mon proche ? Dès que possible ! Ce qui est compliqué, c’est qu’on ne peut plus les prévoir à l’avance. Les premiers mois, entre les opérations, hospitalisations, examens médicaux, il était difficile de trouver du temps libre de qualité. Mon mari était fatigué et nous n’avions pas toujours la tête à nous amuser. Pendant la chimiothérapie, les effets secondaires ne se manifestaient jamais de la même façon d’une séance à l’autre. Il s’y est adapté. Moi aussi, en restant dans la spontanéité pour éviter d’être déçue si on devait annuler une sortie par exemple.
J’ai réalisé que les bons moments passent par une multitude de minuscules détails ou activités ordinaires. Pour nous, c’était par exemple se faire un câlin, manger une pâtisserie, improviser une danse ou un karaoké dans le salon, regarder une série ou un film, lire un livre ensemble au lit. Et parvenir à instiller de l’humour, même dans les situations difficiles. Nous avons réussi à donner un nom à la colostomie !

Je parle de mon rôle d'aidante

Les toutes premières semaines, je parlais beaucoup avec tous les membres de ma famille et mes amis. Je leur racontais tout ce qu’il se passait et comment je me sentais. J’ai toujours eu l’habitude de parler facilement de mes émotions. C’est pour moi une manière saine de les accepter puis de mettre à distance celles qui sont pénibles.

Pourtant, petit à petit, j’ai eu l’impression que personne ne me comprenait vraiment. De nombreuses réactions, ou absences de réactions, m’irritaient voire m’exaspéraient. Certains proches demandaient trop de nouvelles, d’autres pas assez. Les échanges par écrit étaient compliqués. Les réponses n'arrivaient jamais au bon moment. Les mots utilisés n’étaient pas ceux que j’attendais. Je ne savais plus comment dire que je n’allais pas bien et je me suis peu à peu renfermée. 

J'accepte de me faire aider

J'ai connu la pire des solitudes en tant qu'aidante. Je me sentais incomprise car j'avais l'impression que personne autour de moi n'arrivait à imaginer ce que je vivais. En parallèle, je m'en voulais de ne pas être assez « forte » pour mon mari.

Il fallait pourtant que j’en parle. J’ai entamé un suivi thérapeutique avec une psychologue que j’ai rencontré deux fois par semaine. J’ai pris un traitement anti-dépresseur.
C’était nécessaire.

Je n’aurais jamais imaginé devoir passer par ce chemin mais, tout comme j’ai accepté la maladie, j’ai accepté cette aide. J’ai accepté d’aller mal, j’ai accepté d’aller parfois mieux, j’ai accepté que mes ressentis étaient légitimes, et j’ai accepté d’en parler.

J'écris pour extérioriser mes émotions

Je me suis rapidement mise à écrire chaque jour mon journal d’aidante. Je pose la tornade de mes émotions sur le papier. Je sens que je m’allège d’un poids.

Mettre par écrit ce que je n’arrive pas à dire, c’est une manière d’en parler.
L'écriture a ainsi fait partie de ma thérapie.

Avant mon mari, deux personnes proches avaient été atteintes par le cancer, mais elles ne souhaitaient pas en parler. Je n’avais finalement pas d’idée précise de ce que pouvaient vivre ceux qui sont touchés par cette maladie. Je n’avais jamais pensé à la place des proches. J’ai découvert le terme “aidante” lorsque j’en suis devenue une.

Vivre avec mon conjoint atteint de cancer m’a en quelque sorte ouvert l’esprit sur toutes les autres maladies et le rôle des aidants. Je suis maintenant convaincue de l’importance de libérer la parole sur ce sujet.

Je recherche une maison d’édition pour publier mon journal d’aidante. J’y raconte mon parcours. Mon objectif est double. Je voudrais aider les personnes dans une situation similaire à la mienne, en donnant l’exemple d’une jeune femme qui s’en sort et en leur disant qu’ils ne sont pas seuls. Je souhaite aussi aider les proches des aidants à mieux les comprendre en entrant dans le quotidien et la tête d’une aidante.
En parallèle de son projet de publication, Anousha a créé le blog "Ma vie d'aidante", une page Facebook et un compte Instagram. Elle y partage des parties de son journal et différentes anecdotes et pensées positives.

Je vous invite à vous y rendre et à échanger avec elle. La communauté des jeunes aidants est immense, rassemblez-vous !!

Et je vous rappelle qu’ici, le Journal d’une Aidante reste une tribune pour vous exprimer.

N’hésitez pas à me contacter, je serai ravie de vous écouter et de vous publier.

– Caroline
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