Nous avons été, avec mon frère Antoine, les aidants principaux de notre maman, atteinte d’une maladie neuro-dégénérative, pendant huit ans. Je vais vous raconter le début de notre histoire.
Lorsque l’on a diagnostiqué la maladie de Parkinson à ma maman, j’ai compris qu’il s’agissait d’une longue maladie avec laquelle le patient pouvait vivre dans de bonnes conditions très longtemps. Je me suis rassurée en me disant que la situation aurait pu être pire, avec une maladie plus rare, au pronostic plus court…
Elle habitait seule chez elle, en Bourgogne. Mon frère et moi, qui résidions en région parisienne, nous sommes relayés pour passer presque chaque week-end à ses côtés. Observant un ralentissement général de ses gestes et de sa diction, nous avons pris en charge la gestion de son administratif et la coordination de ses rendez-vous médicaux. Avec le temps, nous avons progressivement augmenté le rythme et la nature de notre accompagnement. Je m’efforçais pourtant de ne pas penser à l’avenir. Concrètement, je ne faisais pas de recherches sur sa maladie et je ne me projetais pas au-delà du mois suivant. C’était peut-être ma manière d’accepter cette maladie et de bien vivre le quotidien.
Trois années se sont ainsi écoulées jusqu’à ce qu’un jour je sois contrainte de regarder l’avenir au présent. Ce jour-là, j’ai accepté d’affronter les conséquences les plus lourdes de la « perte d’autonomie ». Ce jour-là, c’était le 5ème jour d’une hospitalisation de ma maman.
J’avais reçu un appel de mon oncle, le frère de maman, qui venait la voir presque tous les jours :
« Caroline, il faut que tu viennes voir ta maman, c’est urgent, elle n’a pas l’air bien, je suis inquiet ».
Je débarquais chez elle le soir même avec mon mari et mes enfants. Je la trouvais assise sur le canapé, comme prostrée, la tête penchée en avant et répondant à peine à mes paroles. Sans hésiter, j’appelais le samu qui l’emmenait aux urgences.
Bilan : « déshydratation », « fatigue », « perte d’équilibre », « on la garde cette nuit et on fera un bilan demain ». J’attendais la suite avec mon frère qui m’avait rejoint au milieu de la nuit.
Maman est restée cinq jours à l’hôpital.
Cinq long jours de tests et de bilans, de brefs échanges avec différents médecins que nous ne reverrions pas.
Cinq jours, c’est court pour réaliser que :
Maman a probablement passé un « palier » dans l’évolution de sa maladie.
Maman ira de plus en plus mal.
Maman ne peut pas rentrer et vivre seule chez elle comme avant.
J’entends ces conclusions sans trop les analyser car je suis concentrée sur une chose, j’observe ma maman. Je la vois sur ce lit d’hôpital d’où elle ne se lève pas, me regarder avec ses beaux yeux gris bleus, de plus en plus tristes.
Elle a compris.
Et moi j’ai l’impression que je dois apprendre à piloter un avion qui décolle à la sortie de l’hôpital.
Pendant la courte durée de ce séjour hospitalier, je suis donc restée à côté de maman dans sa chambre ou pendue au téléphone dans le couloir, à la recherche de solutions pour son retour et « maintien à domicile ».
Je lui ai dit que tout irait bien, même quand j’ai réalisé avec tristesse qu’elle ne ressentait plus le besoin d’aller aux toilettes.
Je ne peux pas cacher cet aspect-là, même si je suis plutôt pudique sur le sujet, car c’est celui dont on ne m’a absolument pas parlé à l’hôpital. De manière très professionnelle et bienveillante, le personnel changeait et lavait ma maman sur son lit. J’assistais, sans le savoir, au véritable début de sa perte d’autonomie : l’incontinence.
On ne la laissait plus faire sa toilette seule, on ne l’accompagnait pas dans la salle de bains attenant à sa chambre pour qu’elle prenne sa douche. Pourtant, il y avait bien une chaise de douche pour éviter les chutes. Maman « oubliait » donc le ressenti lié au besoin d’aller aux toilettes. Je n’en perçu les conséquences qu’à l’issue des cinq jours de ce séjour à l’hôpital.
Non seulement elle ne pourrait plus jamais se rendre seule à pied à l’épicerie du village ou chez le marchand de journaux mais il faudrait une présence à son domicile pour l’aider dans ses actes liés à l’hygiène quotidienne.
Est-ce que son hospitalisation avait involontairement accéléré son entrée dans la dépendance ? C’est possible et c’est donc selon moi une chose à savoir. Il faut réserver l’hospitalisation aux situations où c’est absolument nécessaire et où le médecin traitant ne peut pas soigner à domicile la personne qui est déjà dans un état de fragilité.
Je ne regrette pas que maman ait été soignée à l’hôpital, c’était nécessaire. Mais je regrette de ne pas avoir eu connaissance, en amont, des effets secondaires potentiels d’un séjour à l’hôpital.
Je poursuivrai bientôt avec la suite de notre histoire. Vous verrez que c’est une belle histoire ! Malgré la maladie et la perte d’autonomie qui s’est accélérée, nous avons avec mon frère et ma maman profité de chaque instant ensemble.
Nous avons été heureux !
Lorsque l’on a diagnostiqué la maladie de Parkinson à ma maman, j’ai compris qu’il s’agissait d’une longue maladie avec laquelle le patient pouvait vivre dans de bonnes conditions très longtemps. Je me suis rassurée en me disant que la situation aurait pu être pire, avec une maladie plus rare, au pronostic plus court…
Elle habitait seule chez elle, en Bourgogne. Mon frère et moi, qui résidions en région parisienne, nous sommes relayés pour passer presque chaque week-end à ses côtés. Observant un ralentissement général de ses gestes et de sa diction, nous avons pris en charge la gestion de son administratif et la coordination de ses rendez-vous médicaux. Avec le temps, nous avons progressivement augmenté le rythme et la nature de notre accompagnement. Je m’efforçais pourtant de ne pas penser à l’avenir. Concrètement, je ne faisais pas de recherches sur sa maladie et je ne me projetais pas au-delà du mois suivant. C’était peut-être ma manière d’accepter cette maladie et de bien vivre le quotidien.
Trois années se sont ainsi écoulées jusqu’à ce qu’un jour je sois contrainte de regarder l’avenir au présent. Ce jour-là, j’ai accepté d’affronter les conséquences les plus lourdes de la « perte d’autonomie ». Ce jour-là, c’était le 5ème jour d’une hospitalisation de ma maman.
J’avais reçu un appel de mon oncle, le frère de maman, qui venait la voir presque tous les jours :
« Caroline, il faut que tu viennes voir ta maman, c’est urgent, elle n’a pas l’air bien, je suis inquiet ».
Je débarquais chez elle le soir même avec mon mari et mes enfants. Je la trouvais assise sur le canapé, comme prostrée, la tête penchée en avant et répondant à peine à mes paroles. Sans hésiter, j’appelais le samu qui l’emmenait aux urgences.
Bilan : « déshydratation », « fatigue », « perte d’équilibre », « on la garde cette nuit et on fera un bilan demain ». J’attendais la suite avec mon frère qui m’avait rejoint au milieu de la nuit.
Maman est restée cinq jours à l’hôpital.
Cinq long jours de tests et de bilans, de brefs échanges avec différents médecins que nous ne reverrions pas.
Cinq jours, c’est court pour réaliser que :
Maman a probablement passé un « palier » dans l’évolution de sa maladie.
Maman ira de plus en plus mal.
Maman ne peut pas rentrer et vivre seule chez elle comme avant.
J’entends ces conclusions sans trop les analyser car je suis concentrée sur une chose, j’observe ma maman. Je la vois sur ce lit d’hôpital d’où elle ne se lève pas, me regarder avec ses beaux yeux gris bleus, de plus en plus tristes.
Elle a compris.
Et moi j’ai l’impression que je dois apprendre à piloter un avion qui décolle à la sortie de l’hôpital.
Pendant la courte durée de ce séjour hospitalier, je suis donc restée à côté de maman dans sa chambre ou pendue au téléphone dans le couloir, à la recherche de solutions pour son retour et « maintien à domicile ».
Je lui ai dit que tout irait bien, même quand j’ai réalisé avec tristesse qu’elle ne ressentait plus le besoin d’aller aux toilettes.
Je ne peux pas cacher cet aspect-là, même si je suis plutôt pudique sur le sujet, car c’est celui dont on ne m’a absolument pas parlé à l’hôpital. De manière très professionnelle et bienveillante, le personnel changeait et lavait ma maman sur son lit. J’assistais, sans le savoir, au véritable début de sa perte d’autonomie : l’incontinence.
On ne la laissait plus faire sa toilette seule, on ne l’accompagnait pas dans la salle de bains attenant à sa chambre pour qu’elle prenne sa douche. Pourtant, il y avait bien une chaise de douche pour éviter les chutes. Maman « oubliait » donc le ressenti lié au besoin d’aller aux toilettes. Je n’en perçu les conséquences qu’à l’issue des cinq jours de ce séjour à l’hôpital.
Non seulement elle ne pourrait plus jamais se rendre seule à pied à l’épicerie du village ou chez le marchand de journaux mais il faudrait une présence à son domicile pour l’aider dans ses actes liés à l’hygiène quotidienne.
Est-ce que son hospitalisation avait involontairement accéléré son entrée dans la dépendance ? C’est possible et c’est donc selon moi une chose à savoir. Il faut réserver l’hospitalisation aux situations où c’est absolument nécessaire et où le médecin traitant ne peut pas soigner à domicile la personne qui est déjà dans un état de fragilité.
Je ne regrette pas que maman ait été soignée à l’hôpital, c’était nécessaire. Mais je regrette de ne pas avoir eu connaissance, en amont, des effets secondaires potentiels d’un séjour à l’hôpital.
Je poursuivrai bientôt avec la suite de notre histoire. Vous verrez que c’est une belle histoire ! Malgré la maladie et la perte d’autonomie qui s’est accélérée, nous avons avec mon frère et ma maman profité de chaque instant ensemble.
Nous avons été heureux !
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