Devenir l’aidant d’un proche malade, porteur de handicap ou vieillissant est une activité non rémunérée. J’ai déjà entendu certains qualifier cette activité de bénévolat. Je ne me suis pas vraiment considérée comme bénévole dans l’aide apportée à ma mère. J’ai accepté mon rôle d’aidante de manière naturelle, par amour. Pourtant, je ne cacherai pas que l’ampleur des tâches réalisées était telle que j’ai ressenti le poids d’une obligation à de nombreuses occasions. Ma réflexion sur mon rôle d’aidante bénévole s’arrêtera là et je choisis de parler ici de bénévoles aidants.
Pauline, bénévole aidante
Qui sont les bénévoles aidants ?
Qui sont ces personnes bénévoles, qui rendent une visite ou un service à une personne dépendante alors qu’elles n’entretiennent aucun lien préalable familial ou amical ?
J’ai rencontré Pauline, récemment installée à Bruxelles, bénévole auprès de la maison des « Petites Sœurs des Pauvres », des religieuses qui gèrent une maison de repos et de soins pour personnes âgées démunies ou aux ressources modestes. Elle m’a expliqué sa démarche :
J’ai rencontré Pauline, récemment installée à Bruxelles, bénévole auprès de la maison des « Petites Sœurs des Pauvres », des religieuses qui gèrent une maison de repos et de soins pour personnes âgées démunies ou aux ressources modestes. Elle m’a expliqué sa démarche :
Je passe une demi-journée par semaine avec des personnes âgées
Les Petites Sœurs des Pauvres s’occupent de personnes âgées, qui n’ont parfois pas ou peu de famille et aux moyens financiers limités. Celles-ci sont accueillies dans une maison de repos où l’on s’occupera d’elles jusqu’à la fin de leur vie. Les Sœurs qui gèrent la maison sont merveilleuses. Leur rôle est d'accompagner ces personnes le plus doucement possible dans leurs dernières années, avec le soutien d'un personnel infatigable.
Il y a beaucoup de bénévoles qui aident dans la maison (cuisine, accueil, administratif, service des repas etc..). Quant à moi, je rends visite aux résidents le vendredi matin. La plupart des personnes que je viens voir sont en chaise roulante ou en rollator et présentent des troubles cognitifs. Le secret médical impose que je ne connaisse pas leur pathologie exacte. Je m'y adapte en les découvrant peu à peu.
Il y a beaucoup de bénévoles qui aident dans la maison (cuisine, accueil, administratif, service des repas etc..). Quant à moi, je rends visite aux résidents le vendredi matin. La plupart des personnes que je viens voir sont en chaise roulante ou en rollator et présentent des troubles cognitifs. Le secret médical impose que je ne connaisse pas leur pathologie exacte. Je m'y adapte en les découvrant peu à peu.
La Petite Soeur en charge des bénévoles a été surprise la première fois que je l’ai contactée parce que je ne correspondais pas au « profil habituel » des bénévoles de l’établissement. Ce sont plus généralement des retraités. En ce qui me concerne, j’ai 44 ans, de jeunes enfants et je travaille sur un projet de création d’entreprise.
Lors d’un entretien avec la Soeur responsable des bénévoles et une Soeur plus âgée, nous avons examiné quelle type d'aide je voulais et pouvais apporter. J'ai tout de suite dit que je souhaitais être aux côtés des résidents pour proposer une oreille attentive, une simple discussion ou une présence. Pas de formation, juste confiance en moi. Cela m'a fait chaud au cœur que la maison m’accorde sa confiance en échange et accepte ma proposition. Je pense qu'elles ont rapidement vu que j’étais à l'aise et m'ont permis de continuer et devenir une fidèle visiteuse. J’ai aussi été autorisée à venir, à titre exceptionnel, pendant le confinement.
C’est un grand privilège, ces personnes âgées ont tant à nous apporter
L’ensemble du personnel de la résidence est fantastique, d'une bienveillance et patience incroyables. Malheureusement leur temps est parfois compté et ils ne peuvent pas toujours échanger avec les résidents comme peut le faire un bénévole qui est là spécialement pour ça. Nous avons un grand privilège de vivre ces moments. Ces personnes âgées ont tant à nous apporter. C’est souvent difficile pour elles d’avoir dû quitter leur domicile mais elles savent ou essaient d'accepter cela avec résilience. Parfois quand je leur demande comment elles vont, elles me répondent "il faut" avec un sourire. Quelle belle leçon !
Je découvre pas à pas et en usant de mon intuition avec chaque personne, comment créer une atmosphère de partage. Je n’ai pas suivi de formation à l’accompagnement mais je trouve finalement cela assez naturel : je m’intéresse à elles comme lors de toute rencontre puis j’entretiens le lien créé.
Cela fait plus d’un an et demi aujourd’hui que je viens voir mes résidents toutes les semaines. Je passe au moins 30 minutes avec chacun d’eux. Ce sont des moments merveilleux. Certains sont trop malades et ne comprennent pas ce que je dis. J’essaie, avec ma présence et mon sourire, de leur transmettre toute mon affection.
Ecouter les personnes âgées, leurs histoires, leurs pépites
Lors des premières rencontres, je découvre pour chacun ce qui lui plaît et ce qu’il est possible de faire : parler, écouter, chanter, faire un jeu, se promener…
Lorsque les résidents peuvent s’exprimer, ils aiment que je les écoute. Ils me parlent naturellement de leurs histoires vécues et parfois cela remonte très loin. Imaginez une dame centenaire qui me raconte son enfance! Il y a forcément les moments de guerre marquants, la mémoire qui fait défaut ou des blessures qui remontent. Les histoires sombres sont presque racontées en chuchotant. Je suis touchée de devenir leur témoin. Je leur dis qu’ils ont vécu une vie incroyable.
Il y a aussi les moments drôles. J'ai souri en lisant "les pépites de Pauline" dans ce blog car, moi aussi, j’ai des épisodes amusants, des petites pépites. Ce sont de temps en temps des petites querelles de voisinage entre résidents qui sont bien normales car c'est une vie en communauté. Ou l'une de mes résidentes qui me répétait à chaque fois que je venais la voir qu'elle avait gravi le Mont Blanc en jupe avec son mari et qu'elle avait des piquants plein les jambes pendant la montée !
Lorsque les résidents peuvent s’exprimer, ils aiment que je les écoute. Ils me parlent naturellement de leurs histoires vécues et parfois cela remonte très loin. Imaginez une dame centenaire qui me raconte son enfance! Il y a forcément les moments de guerre marquants, la mémoire qui fait défaut ou des blessures qui remontent. Les histoires sombres sont presque racontées en chuchotant. Je suis touchée de devenir leur témoin. Je leur dis qu’ils ont vécu une vie incroyable.
Il y a aussi les moments drôles. J'ai souri en lisant "les pépites de Pauline" dans ce blog car, moi aussi, j’ai des épisodes amusants, des petites pépites. Ce sont de temps en temps des petites querelles de voisinage entre résidents qui sont bien normales car c'est une vie en communauté. Ou l'une de mes résidentes qui me répétait à chaque fois que je venais la voir qu'elle avait gravi le Mont Blanc en jupe avec son mari et qu'elle avait des piquants plein les jambes pendant la montée !
L’art, la musique, les photos ou le jeu pour tisser des liens avec les résidents
Fréquemment, c’est moi qui lance la discussion sur un sujet que l'on a déjà abordé. Si aucun sujet ne me vient spontanément, je trouve une idée dans un magazine que je ne manque pas d’apporter. D’autant que cela leur plait aussi de regarder les photos. L’un de mes résidents était un ancien publicitaire, qui aimait l'art et la photographie. Avec lui je parcourais des revues d’art. C’était très intéressant.
Avec chacun, je noue une relation différente. Parfois je me sens très proche d’eux. C’était le cas avec ce monsieur. Je l'ai accompagné jusqu'au bout, je lui tenais la main le jour de son départ.
Avec chacun, je noue une relation différente. Parfois je me sens très proche d’eux. C’était le cas avec ce monsieur. Je l'ai accompagné jusqu'au bout, je lui tenais la main le jour de son départ.
Je raconte des tas d’histoires et d’ailleurs souvent je parle de ma vie. Je leur parle de mes enfants et ils les voient grandir sur les photos. Même s’ils ne s’en souviennent pas la fois suivante, ce n’est pas grave, c'est une nouvelle occasion de montrer qu’il y a de la vie.
Parmi mes résidentes, il y a une dame qui continue à lire et une dame qui écoute des livres audios. J’en profite pour dire qu’il ne faut pas hésiter à contribuer à l’achat d’un lecteur CD et de livres audio au profit des maisons de retraites.
Beaucoup de personnes âgées aiment les jeux de mémoire ou les petits jeux simples et pas trop longs. Souvent, je réunis deux ou trois résidents et nous alternons entre jouer aux dominos et chanter ensemble. Je leur fais écouter sur mon téléphone des chansons anciennes dont certains connaissent encore par cœur les paroles. C’est incroyable et très touchant. Tino Rossi, Jacques Brel et Edith Piaf ont beaucoup de succès. J'aime beaucoup ces moments où je sens qu'elles semblent heureuses de ces souvenirs.
Beaucoup de personnes âgées aiment les jeux de mémoire ou les petits jeux simples et pas trop longs. Souvent, je réunis deux ou trois résidents et nous alternons entre jouer aux dominos et chanter ensemble. Je leur fais écouter sur mon téléphone des chansons anciennes dont certains connaissent encore par cœur les paroles. C’est incroyable et très touchant. Tino Rossi, Jacques Brel et Edith Piaf ont beaucoup de succès. J'aime beaucoup ces moments où je sens qu'elles semblent heureuses de ces souvenirs.
Bénévole et aidant : l’important c’est de passer un moment ensemble
Si je sens que la personne est fatiguée, nous pouvons tout simplement écouter de la musique. Avec le déclin cognitif, certains résidents perdent plus ou moins vite le fil de la discussion. Je m’adapte tout en restant très respectueuse face à cette désorientation. Je pense à une dame adorable, ancienne figure d’une commune bruxelloise, qui dit souvent « on va à la mer ». Elle évoque souvent sa maman et parle toujours de « ses petits papiers ». Je fais attention à rester douce dans mon attitude et le ton de ma voix.
Avec les résidents qui ne peuvent pas parler, je parle pour deux, en faisant une petite promenade par exemple. Je leur propose quand il ne fait pas trop froid d'aller dans le joli jardin pour faire un tour des fleurs et des arbres, ou simplement une petite promenade dans les couloirs. Tout est bon qui permet de les divertir un instant.
J'ai même "entrainé" mon mari dans cette belle aventure et il est venu jouer plusieurs fois du piano pour eux. Nous avons vu les sourires dans leurs yeux, les souvenirs qui remontent et même découvert de jolies voix !
Avec les résidents qui ne peuvent pas parler, je parle pour deux, en faisant une petite promenade par exemple. Je leur propose quand il ne fait pas trop froid d'aller dans le joli jardin pour faire un tour des fleurs et des arbres, ou simplement une petite promenade dans les couloirs. Tout est bon qui permet de les divertir un instant.
J'ai même "entrainé" mon mari dans cette belle aventure et il est venu jouer plusieurs fois du piano pour eux. Nous avons vu les sourires dans leurs yeux, les souvenirs qui remontent et même découvert de jolies voix !
Malheureusement, c’est une évidence, je me prépare à leur départ à chaque rencontre. Je pense à l’une d’elle, toute jolie et toute coquette, qui a fêté ses 100 ans l’an dernier. Un matin, elle m’annonce calmement « je vais mourir » et le soir-même elle est partie. C’est comme cela que ça doit se passer.
En attendant, nous profitons de tous nos vendredis ensemble. C'est un vrai privilège pour moi d'être auprès de ces personnes. Leur apporter un peu de présence dans cette maison des Petites Sœurs des Pauvres qui est un vrai havre de paix et dont je suis très admirative.
J’ai trouvé que Pauline rayonnait lorsqu'elle me racontait ses relations avec "ses" résidents. Elle considère ce rôle presque comme un cadeau. Sa manière de l'aborder simplement, avec intuition, devraient convaincre de futurs bénévoles. Je me suis rendue compte que sa voix était douce et apaisante. Je suis certaine que les résidents le perçoivent et que cela participe au réconfort qu’elle leur apporte. Ses visites hebdomadaires dans la maison de retraite font totalement partie de son emploi du temps. Je les ai presque ressenties comme un moment de pause où elle prend le temps d'observer, d'écouter et de prendre soin des autres. Pauline a même augmenté le rythme de ses visites, dès que cela a été à nouveau autorisé pendant cette période de pandémie liée à la Covid. Ce qui a changé : la blouse intégrale qu’elle enfile désormais, le masque et l’aide au repas à laquelle elle participe pour soulager les soignants.
C’est aujourd’hui au-dessus de son masque, dans son regard, que l’on voit le sourire de Pauline.
C’est aujourd’hui au-dessus de son masque, dans son regard, que l’on voit le sourire de Pauline.
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Aidantes, aidants, vos réflexions sur le sujet
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